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LA LETTRE N°63 Janvier 2024
La politique de l’autrui.
L’attention à l’autre, ca vous parle ? Cette faculté vitale semble pourtant en voie de disparition. Il est temps de renouer avec l’art de la sollicitude et de la (vraie) conversation.
Mais que se passe-t-il pour qu’on parvienne à ne plus du tout considérer l’autre ? questionnait récemment la philosophe et auteure Marie Robert, fondatrice du site « philosophy is sexy ». Même si mille petits actes quotidiens continuent à faire leur travail de sape, le sujet commence à interpeller. Depuis quelques années déjà on parle beaucoup de TDAH (trouble déficitaire de l’attention), ciblant la difficulté à se concentrer. Est-il temps de créer l’acronyme plus universel, plus quotidien, de TDAA, pour troubles de l’attention à l’autrui ? et de soigner cette maladie contagieuse avant qu’il ne soit trop tard. Le temps moyen consacré à l’écoute des autres pendant nos heures d’éveil a diminué de moitié ces dernières années, de 42% en 2016 à 24% de nos jours, selon Kate Murphy – journaliste au New York Times. Il est urgent de revoir notre « régime attentionnel » et de prendre de la distance avec nos appendices technologiques. Nous participons tous à une économie de l’attention : c’est devenu une marchandise, achetée et vendue et sa qualité n’a pas d’importance. Car plus l’attention est dispersée, plus on est crédule et plus on est susceptible de cliquer sur acheter, d’accepter des informations douteuses,…
Selon une étude de la Fondation Jean Jaurès, un français sur deux souffre de « fatigue informationnelle » et 40% éprouvent le FOMO (Fear of missing out). Et c’est tout particulièrement la jeunesse hyperconnectée qui, dans cet univers numérique impitoyable de « Super Size News » semble en souffrir le plus. Faute de freins, faute d’hygiène informationnelle, faute d’éducation concrète aux medias. Mais nous sommes tous inondés, voir saturés de stimuli digitaux et de notifications frénétiques. Cherchons donc à sortir de cette fatigue informationelle pour retrouver le chemin de « l’art d’être là, de se reconnecter à l’autre, au monde, à soi » ! Cette faculté perdue, avec un peu de persévérance on peut la réapprovisionner, la retrouver et c’est une bonne nouvelle. Il faut réhabiliter l’écoute, source de l’attention. Combien de dîners en amoureux, de rendez-vous professionnels ou personnels, de déjeuners familiaux ont pour participant supplémentaire un téléphone qui vibre ? Quand il n’est pas prétexte à photographier le moment, plutôt que de vivre ici et maintenant. Museler la bête est une étape indispensable : on peut édicter des règles de non-ingérence de l’objet. Apprendre à réécouter en est une autre, immédiatement après. Le philosophe Yves Citton (chercheur et essayiste) parle même de l’écologie de l’attention : se soucier de créer des environnements dans lesquels nous sommes attentifs. Tout comme la planète, l’attention se protège et sa survie demande sans doute un « reset » collectif et personnel. Quelques réflexes à intégrer ? Ne plus interrompre sa lecture, le visionnage d’un film, l’écoute d’un morceau de musique (entier, oui !), laisser de côté ou éteindre son téléphone et d’abord et surtout bien sûr, écouter et ne pas interrompre le récit de l’autre. A intégrer dans notre liste de bonnes résolutions 2024.
BONNE ANNEE D’ECOUTE A TOUS !
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15/01/2024
15/11/2024