L’étude française qui va changer la gestion des prémices de l’infarctusLe groupe Action-Coeur prouve que la prescription systématique, « à l’aveugle », de médicaments antiplaquettaires est dangereuse pour certains malades.Les traitements prescrits actuellement aux patients présentant des signes prémonitoires d’infarctus du myocarde font plus de mal que de bien. Il faut donc changer les recommandations internationales en vigueur. C’est ce que vient de déclarer le Pr Gilles Montalescot, dans une session « Hot Line », au congrès de la Société européenne de cardiologie qui se tient actuellement à Amsterdam. Les résultats de ses travaux vont être publiés dans le New England Journal of Medicine, qui consacre même son éditorial à ce sujet. Entretien exclusif avec ce spécialiste (institut de cardiologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtriere à Paris), qui est le président et le fondateur d’Action-Coeur.
Le Point.fr: Pourquoi vous êtes-vous intéressé au traitement prescrit en première intention aux personnes présentant un syndrome de menace d’infarctus ?
Pr Gilles Montalescot : Parce que cela correspond bien aux missions d’Action-Coeur. Ce groupe académique indépendant à but non lucratif a été créé pour améliorer la prise en charge des maladies cardiovasculaires. De plus, aucune grande étude n’avait été réalisée sur ce thème pour étayer les recommandations internationales. Ces dernières stipulent, depuis quinze ans, qu’il faut donner des médicaments antiplaquettaires, qui fluidifient le sang, aux patients présentant un syndrome de menace d’infarctus, et cela, dès leur arrivée à l’hôpital, dans le but d’éviter la formation de caillots sanguins et de réduire les complications lors du débouchage des artères coronaires. Mais il n’y a jamais eu d’essais cliniques pour valider cette théorie. Nous avons donc mené une étude (baptisée ACCOAST) dans 19 pays européens et sur plus de 4 000 patients.
Que montre ce travail ?
Non seulement cette stratégie n’a aucun effet positif, mais en plus, elle entraîne un risque d’hémorragie. En pratique, quand un patient arrive à l’hôpital, il reçoit immédiatement un médicament antiplaquettaire (le prasugrel). Il attend en général le lendemain pour passer une coronarographie, puis pour bénéficier, si nécessaire, d’une angioplastie. Sa coronaire est alors débouchée grâce au gonflement d’un ballonnet et ce geste est souvent suivi de la pose d’un petit ressort (un stent) pour maintenir l’artère dilatée.
Or, selon nos résultats, parmi toutes les personnes examinées par coronarographie pour un syndrome de menace d’infarctus du myocarde, seules 69 % nécessitent une angioplastie. Quant aux autres, soit elles n’ont besoin que d’un traitement médicamenteux, soit elles doivent subir un pontage, soit elles ne souffrent pas de la maladie suspectée.
Quelles vont être les conséquences de votre étude ?
Un changement des recommandations internationales. Nous proposons d’attendre la coronarographie pour administrer le médicament antiplaquettaire à bon escient, chez les patients qui en ont absolument besoin, en cas de débouchage des artères. Il ne faut plus donner ce traitement à l’aveugle.
Cela implique donc de réduire les délais d’accès à la coronarographie et à l’angioplastie…
Oui, et c’est de plus en plus le cas. Mais, pour y arriver, il faut des centres dédiés à l’infarctus et à ses menaces, avec des installations et du personnel spécialisés. Même si cela n’existe pas sous cette appellation en France, à la différence des unités neuro-vasculaires destinées à traiter les accidents vasculaires cérébraux, les choses progressent. Par exemple, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris se restructure actuellement. Il est évident qu’il vaut mieux trois centres « lourds », permettant de gérer efficacement les urgences jour et nuit, 365 jours par an, qu’une dizaine de structures moins bien équipées.